Les injonctions socio-culturelles n’en finissent pas de nous obséder

Depuis des millénaires, le corps féminin est soumis à de nombreuses injonctions physiques, souvent en lien avec la place qu’on lui donne dans la société. Le plus souvent, les accessoires censés sublimer le corps de la femme ont pour effet de le diminuer ou le contraindre : corset, gaine, talons aiguille, épilation…. Un “joli” corps féminin est en réalité un corps en souffrance. “Il faut souffrir pour être belle”, me répétait souvent ma grand-mère.

L’injonction à la minceur apparait dans les années 1920, et symbolise l’idée que la femme ne doit pas prendre trop de place, dans cette société en mouvement de l’entre-deux guerres. Et sous prétexte qu’un corps mince est en bonne santé, les personnes rondes sont stigmatisées et vues comme manquant de volonté et paresseuses.

Les injonctions esthétiques sont nombreuses et demandent un certain investissement qui contribue à alourdir la charge mentale de la femme : ongles faits, maquillage parfait, peau nette et épilée, formes féminines prononcées mais sans excès… Il nous faut sans cesse vérifier que nous correspondons aux normes sociales en vigueur. Or ces dernières se font toujours plus nombreuses et interchangeables à l’heure des réseaux sociaux.

Pour prendre le contrepied de ces injonctions, un mouvement a vu le jour ces dernières années : le body positivisme, qui incite les femmes à s’accepter telles qu’elles sont, à s’affranchir des diktats de la beauté, et à assumer leurs complexes physiques. Attention néanmoins à cette nouvelle forme d’injonction à se sentir bien dans son corps. Sous couvert de bienveillance, elle peut se révéler tout aussi délétère. Car si je ne me reconnais ni dans les injonctions à la minceur, ni dans les injonctions au body positivisme, c’est la double peine : mal dans ma tête et mal dans mon corps.

Pourquoi et comment les injonctions agissent sur notre cerveau et notre santé mentale

Même si nous ne les percevons pas consciemment, les injonctions reçues via les messages publicitaires, les photos des magazines, les réseaux sociaux ou même notre entourage, agissent sur nos choix et sur nos comportements. Même sans les regarder les informations perçues par notre vision périphérique sont traitées sur un mode non conscient. Le cerveau peut les percevoir et en mémoriser certains aspects “à notre insu”. Ainsi quand on est une femme, le fait d’être exposée à longueur de journées à des corps féminins “parfaits” et aux multiples solutions pour y parvenir au résultat fait que jour après jour, le cerveau va enregistrer l’image de ce corps comme étant l’objectif ultime à atteindre. Or par essence, cette perfection n’existe pas. Le résultat rêvé n’est donc pas atteignable, ce qui va placer la femme dans une situation inconfortable et inextricable. Cet état peut provoquer découragement, anxiété, perte de confiance en soi, culpabilité de ne pas y arriver, voire dépression, addictions au sport, anxiété alimentaire ou troubles du comportement alimentaire.

Si ces mêmes messages sont envoyés aux adolescentes ou aux jeunes-filles qui ont encore moins de capacités de prise de recul, et dont le cerveau est encore en construction, les dommages peuvent être encore plus graves sur leur santé mentale et physique.

Comment faire pour limiter l’impact des injonctions et tenter de s’en défaire 

1/ Façonner une vision positive de son corps

Votre corps est bien plus qu’un instrument de séduction ! Il faut le voir comme votre vaisseau de vie : celui qui va vous amener pour un long voyage depuis le jour de votre naissance. Avec lui on marche, on court, on voyage, on souffre, on rit, on pleure, on donne la vie… bref, il faut le voir comme votre compagnon de vie !

Se réconcilier avec son corps, c’est en faire son meilleur ami. Il ne vous viendrait pas à l’idée de mal traiter votre meilleur ami, de le faire souffrir, ou de l’injurier. Pensez à adopter un vocabulaire positif quand vous pensez ou quand vous parlez de votre corps. Soyez indulgent(e) et bienveillant(e) envers lui. Chouchoutez-le par des rituels (crème pour le corps, bains aux huiles essentielles, massages…) : une façon de le remercier de tout ce qu’il a déjà fait pour vous, et de tout ce qu’il doit encore accomplir !

2/ Libérer son esprit des injonctions des médias, de la pub et des réseaux sociaux  

Faites une sélection et un tri drastique dans les comptes que vous suivez, les publicités que vous regardez, ou les magazines que vous lisez. Gardez votre esprit critique et n’oubliez jamais que tout ce que vous voyez est corrigé, filtré, retouché. Ne courez plus derrière la perfection puisque celle-ci n’existe pas. Il s’agit d’une illusion produite par tout ce que vous percevez, consciemment ou non. Exit les injonctions intenables et vive le réalisme !

3/ Adopter la philosophie des petits pas

Si malgré tout vous ne vous sentez pas bien dans votre corps ou que des soucis de santé vous incitent à perdre du poids, n’oubliez pas la seule règle valable : pour ancrer de nouveaux comportements dans le long terme, et pour faire en sorte que ceux-ci deviennent des habitudes, il faut y aller p r o g r e s s i v e m e n t. Essayez d’influencer lentement mais sûrement votre alimentation, en y ajoutant un peu plus de légumes par exemple. Quand cette habitude est prise et bien ancrée, enlevez un aliment sucré. Quand celle-ci est ancrée à son tour, passez à la suivante. En y allant doucement et progressivement, le cerveau ne perçoit pas le changement comme un effort ou une nouvelle contrainte imposée. Et vous multipliez vos chances qu’il ne se rebelle pas !